LA CHRONIQUE DE BERTRAND DUBOUX

 

 

Pascal Fontaine, 

le patron des gendarmes à moto dans les courses

La sécurité, c’est son domaine

 
La moustache grisonnante soignée, le petit bouc naissant, l’adjudant Pascal Fontaine (48 ans) fait plus penser à un acteur en villégiature qu’à un gendarme vaudois. Le port de la barbe étant autorisé depuis le 1er janvier 2012, il s’y est mis. Par goût du changement, sans doute. Avec lui, le contact est chaleureux, le sourire accueillant, le dialogue ouvert et constructif, loin de l’image habituelle qu’on se fait généralement du représentant de l’ordre en uniforme !

Responsable du bureau des manifestations de la Gendarmerie vaudoise, ce gamin de Payerne mais Fribourgeois d’origine est à la tête du service qui délivre les autorisations pour les événements sur la voie publique. Sa spécialité ? Les manifestations sportives, comme le Tour de Romandie, le Tour du Pays de Vaud et notamment les championnats d’Europe de cyclisme à Nyon (9-13 juillet). Il collabore de ce fait avec les organisateurs et dispose de l’unité des motards de la Gendarmerie pour assurer la sécurité sur le parcours.

            - Depuis quelque temps, nos agents motocyclistes suivent un stage annuel à Fontainebleau avec ceux de la Gendarmerie française, précise-t-il. C’est nouveau. Nos gars ont une formation basique. Ils font leur travail, certes, mais ont choisi leur spécialisation. Avec les Français, ils se perfectionnent. C’est enrichissant.

Une occasion de professionnaliser cette escorte motorisée si importante pour le sport cycliste, lequel a ses règles et ses spécificités en course. A la tête de ses motards, Pascal Fontaine vit intensément cette activité qui n’est pas qu’une fonction administrative. Son bâton de pèlerin à la main, il s’en va parcourir le canton pour rendre visite aux commandants des huit polices communales qui restent souverains sur leur territoire.

            - Ce sont eux qui accordent les autorisations de passage, ce qui complique incroyablement l’organisation, déplore-t-il.

Avec le temps, les relations se nouent plus facilement et favorisent les rapports. Il faut bien ça pour faire avancer les dossiers. De la diplomatie, de l’entregent et de la motivation pour une mission qui tient à cœur à l’adjudant Fontaine, en poste depuis 2009 après un passage à la Brigade d’intervention. Cette responsabilité le fait souvent sortir de son bureau de La Blécherette pour prendre en charge la direction de ses hommes sur le terrain. On le sent d’ailleurs très solidaire. Avec une autorité naturelle qui l’impose comme un chef respecté.

            - On est dans un milieu hiérarchique, dit-il. Nous sommes des militaires. Avec les gars, on se voit le matin pour faire le point. S’il pleut, s’il neige ( !), il faut apprécier la situation, revoir le dispositif. Pour moi, pas de problème : je suis en voiture, mais eux…

 Dans l’ambiance particulière de ces événements qui le mettent, lui et ses hommes, au contact des gens, Pascal Fontaine évolue comme un poisson dans l’eau. Depuis cinq ans, il a pris ses marques, noué des relations, étoffé son carnet d’adresses.

            - On y fait toujours des rencontres intéressantes. Pour nos agents motocyclistes, c’est un super moment. Nos gars aiment ça. Il y a le plaisir de la moto et aussi celui de se mettre au service d’une cause sportive. Avec le Tour de Romandie, où ils ont moins de travail car l’organisation a ses propres motards, mais surtout le Tour du Pays de Vaud, ils se sentent utiles et appréciés. Ils font passer une bonne image de la Gendarmerie. C’est important. A Nyon, on aura quatre motards par jour et par course. Les mêmes du jeudi au dimanche, soit huit course. On ne peut pas mettre n’importe qui à ce poste. Le motocycliste doit être sûr de lui. A moto, on a une vision sécuritaire de tous les jours. On anticipe plus vite avec le regard. C’est une question d’expérience, de métier.

Dans son rôle de responsable, le patron demande à ses hommes d’être fermes mais polis vis à vis du public. Du bon sens, en quelque sorte, face à des gens souvent intolérants et qui ne veulent pas qu’on bouscule leurs habitudes.

            - Avec les routes fermées, j’espère de la compréhension de la part des spectateurs et des automobilistes. Ils doivent respecter les directives de nos motards et faire preuve de retenue et de discipine. Les gars de la PCI sont nos partenaires mais ils ont une mission de plantons. La Gendarmerie aura un aide de commandement au centre opérationnel de la PCI. Il s’agit d’un agent d’expérience qui fonctionne comme homme de liaison. Cela permet d’obtenir une vision globale de la situation.

Que deviendraient ces grands événements sans la collaboration de la Gendarmerie vaudoise et de ses motards ? Poser la question, c’est aussi donner la réponse. Mais cette collaboration, vitale pour la survie de ces manifestations, a un coût qui pose problème à beaucoup d’organisateurs.

            - Toutes nos prestations sont facturées, c’est vrai, confirme Pascal Fontaine. Ce sont des frais par rapport au personnel engagé. Mais une exonération partielle ou en totalité est envisageable*. Il y a différents critères qui sont pris en compte : manifestation régionale ou internationale ; privée ou à but non lucratif ; en faveur des jeunes ou pas, etc.  Nous, on facture. Ensuite la décision appartient au gouvernement !

Suite à la loi votée par les parlementaires vaudois en juillet 2013, la Gendarmerie a toutefois dû réduire son engagement. Elle coûtait trop cher.

            - En 2009, par exemple, on a facturé 25'000.- francs pour le Tour du Pays de Vaud ! C’est vrai que l’organisation de manifestation coûte cher. Mais nous analysons toutes les activités sécuritaires et cherchons des solutions pour diminuer les frais. Inévitablement on va vers une formation de bénévoles en collaboration notamment avec l’Amicale des motards du TPV qui apporte déjà sa précieuse contribution.

Avec l’adjudant Pascal Fontaine dans son nouveau rôle, la peur du gendarme n’est plus ce qu’elle était ! On s’en félicite et les organisateurs aussi, principalement, qui ne peuvent que louer sa compréhension des problèmes et son esprit de collaboration. Mais attention, l’homme a des comptes à rendre et c’est toujours la sécurité des coureurs qui a le dernier mot.  

                                                                                         

*  Loi sur la facturation des prestations matérielles fournies par les services de l’Etat lors de manifestations (LfacManif du 19 mars 2013) :

jusqu’à 5'000.- francs, c’est le Commandant de la Police cantonale qui prend la décision d’exonération ou pas. De 5'000.- à 10'000.- francs, c’est la Cheffe du Département des institutions et de la sécurité (DIS), au-delà de 10'000.- francs, c’est le Conseil d’Etat vaudois.

                                                                                                                                                            

                                                                                   Bertrand Duboux, resp. médias