LA CHRONIQUE DE BERTRAND DUBOUX

    

Contador et Porte favoris du Giro

L’inconnu Zakarin en outsider ?

 

Comme c’est de tradition, à quelques exceptions près, le Tour d’Italie 2015, qui s’achèvera le 31 mai à Milan, va faire la part belle aux grimpeurs avec une dernière semaine particulièrement « gratinée » dans le massif des Dolomites. Pas étonnant que la liste des partants recèle les noms des Italiens Fabio Aru et Pozzovivo, du Belge Van den Broeck, du Canadien Hesjedal (vainqueur en 2012), des Colombiens Uran et Atapuma, des Espagnols Intxausti (3ème de la Ruta del Sol derrière Froome et Contador), Anton et Contador ainsi que celui de l’Australien Richie Porte, déjà vainqueur cette saison de Paris-Nice et du Tour du Trentin. Tous à l’aise sur des terrains accidentés comme le Giro sait en proposer.

Apparemment cette 98ème édition semble promise à Contador ou à Porte. Tous deux sont accompagnés par de très bons équipiers : Basso, Kreuziger, Paolino, Rogers pour le Madrilène ; Henao, König, Kyrienka, Lopez, Nieve pour l’Australien qui est devenu l’un des piliers de l’équipe Sky pour les courses par étapes. Un joker promu leader et capable de faire oublier le retrait de Wiggins et la discrétion (momentanée ?) de Froome. Porte pourra-t-il résister à Alberto Contador, vainqueur du Tour de France (2007, 2009), de la Vuelta (2008, 2012, 2014) et du Giro (2008) et qui, a 32 ans, semble vouloir tirer ses dernières cartouches au plus haut niveau ? D’autant qu’après le renvoi du manager Bjarne Riis, dont il était proche, tout n’est pas rose au sein de l’équipe du milliardaire russe Oleg Tinkoff.

Contador avait aussi remporté le Tour de France 2010 et le Giro 2011 mais ces victoires lui ont été retirées pour un contrôle positif au clenbutérol qui lui a valu deux années de suspension. Aujourd’hui, tout cela semble oublié et le champion espagnol est face à son ultime grand défi : le doublé Giro-Tour, comme avant lui Coppi (1949-1952), Anquetil (1964), Merckx (1970, 1972, 1974), Hinault (1982, 1985), Roche (1987), Indurain (1992, 1993) et Pantani (1998). Un pari osé dans le cyclisme dit « moderne » qui oblige à cibler parfaitement ses objectifs sous le contrôle de médecins qui suppléent de plus en plus les entraîneurs !

Fabio Aru (3ème l’an dernier) sera-t-il le troisième larron ? Une situation intéressante pour lui dans la mesure où le grimpeur de la formation Astana, dont on a dit qu’il souffrait d’un virus et absent du Tour du Trentin et du Tour de Romandie, sera capable d’exploiter le marquage qui ne manquera pas d’intervenir entre Contador et Porte, les deux grands favoris  Et qu’attendre de Rigoberto Uran (Etixx), battu par les seuls Quintana et Mollema à Tirreno-Adriatico et cinquième du récent Tour de Romandie à 1’20 de l’inattendu Russe Ilnur Zakarin ?

Vainqueur de l’étape chronométrée et leader durant quatre jours, Uran (deux fois deuxième) avait dû s’effacer l’an passé en montagne devant son compatriote Nairo Quintana, qui a choisi cette fois de privilégier le Tour de France. Une absence qui devrait profiter à Contador et Porte, mais aussi à quelques outsiders comme l’inconnu Zakarin, à la fois bon rouleur et à l’aise en montagne mais dont personne ne connaît encore les réelles possibilités dans les grands cols et sur une épreuve de trois semaines.

Champion d’Europe junior du chrono en 2007, Ilnur Zakarin (25 ans, 1m87, 67 kg) avait été testé positif à un stéroïde anabolisant en 2009 et suspendu deux ans ! Champion de Russie du chrono en 2013, il a terminé cette saison 9ème du Tour du Pays basque sous le maillot de l’équipe Katusha après avoir perdu dix kilos en deux ans ! Une révélation et un parcours qui suscitent bien des interrogations quand on connaît les effets de l’aicar et en raison des performances de plus en plus étonnantes des membres de la formation russe depuis le début de la saison (Kristoff, Paolini, Joaquim Rodriguez, Spilak, Belkov). Trop forts les Katusha ?

Au Tour de Romandie, Zakarin a résisté à Pinot dans le final de l’étape de montagne de Champex-lac. Le lendemain, à Lausanne, sur une chaussée mouillée et après avoir du changer de vélo à cause de la chaîne coincée, il confirmait en prenant la troisième place du difficile chrono final à 13 secondes de Toni Martin et à 2 secondes de son leader Spilak ! En laissant derrière lui Uran (à 32 sec.), Froome (34), Pinot (56), Quintana (1’01) et Nibali (1’03) ! Et en contribuant au triomphe collectif des Katusha, auteurs d’un doublé surprenant (1er Zakarin, 2ème Spilak) et vainqueurs de tous les classements (équipes, montagne et points pour Belkov) !

Côté helvétique, on suivra avec intérêt la performance de Sébastien Reichenbach à la tête de l’équipe IAM Cycling. A 26 ans, le talentueux valaisan arrive à maturité et le Giro doit lui permettre de confirmer ses qualités de spécialiste de courses par étapes. Désormais le champion de Suisse de la montagne (2012) doit profiter de l’occasion pour s’affirmer au plus haut niveau, bien soutenu par des équipiers expérimentés  (Chavanel, Haussler, Pellucchi, Clément notamment).

Quant au grand espoir suisse Stefan Küng, déjà vainqueur en solitaire du Tour du Limbourg et, à Fribourg, d’une étape du Tour de Romandie disputée dans des conditions exécrables, il a la charge d’emmener les BMC à la victoire dans le contre la montre par équipes du premier jour entre San Lorenzo al Mare et San Remo (17,6 km). Un beau challenge pour un champion en devenir. Et avec à la clé un premier maillot rose à 21 ans et demi ?

Bertrand Duboux, 7.5.2015