LA CHRONIQUE DE BERTRAND DUBOUX

    

Gino MÄder s’illustre AU Tour de l’Avenir

Récemment sacré champion d’Europe M23 sur route, Marc Hirschi a dû céder la vedette à son compère bernois Gino Mäder (21 ans) sur les routes du Tour de l’Avenir 2018 disputé en dix étapes entre la Bretagne et les Alpes françaises. Très en jambes au moment d’affronter les grandes difficultés du week-end final en Savoie, l’espoir de IAM Excelsior s’est offert en effet deux succès d’étape et une troisième place au classement final à 1’35 du Slovène Tadej Pogacar et à 7 secondes du Hollandais Thymen Arensman. Mäder et Pogacar sont deux anciens participants au Tour du Pays de Vaud : le Bernois 2ème en 2015 derrière le Franco-Américain Adrien Costa et le Slovène 6ème en 2016 derrière Marc Hirschi.

Cette belle réussite, le cyclisme helvétique ne l’avait plus connue à ce niveau amateur depuis un demi-siècle, avec notamment les Zurichois Rolf Maurer (2ème/1963 avec un succès d’étape) et Paul Zollinger (3ème/1965), puis avec les Elite Fuchs, Hubschmid, Iwan Schmid, Sutter et compagnie qui ont cumulé les victoires d’étapes en 1971-72-73-74 (Iwan Schmid 2ème en 1972 avec un succès personnel). Sans oublier la performance de Sven Montgomery, 3ème en 2000 derrière l’Espagnol Iker Florès. Par la suite, d’autres Suisses ont marqué l’histoire de ce mini-Tour de France mais sans avoir pu monter sur le podium final (Stefan Mutter lauréat du prologue en 1977, Gilbert Glaus et l’équipe de Suisse en 1981, Benno Wyss en 1984 et 85, Silvan Dillier en 2012. Comme l’avaient déjà fait à l’origine le Zurichois Erwin Jaisli et le Genevois René Binggeli en 1961-62.

Formé à l’école de la piste où il fait partie du cadre national de Daniel Gisiger depuis 2014, très à l’aise sur route contre la montre et sur les parcours accidentés, Gino Mäder a profité du passage à vide de Marc Hirschi, leader de l’équipe IAM Excelcior, pour s’affirmer encore un peu plus sur le plan international après avoir gagné cette saison une étape du Tour d’Alsace et la dernière étape de la Ronde de l’Isard, dans les Pyrénées. Il a ainsi brillamment confirmé les espoirs placés en lui depuis plusieurs saisons.

Entre La Bâthie et Crest/Volland (8ème étape), avec le col des Saisies et un final en côte sur 2 km, il s’est imposé en solitaire, avec 15 secondes d’avance sur le Colombien Ivan Sosa, l’Australien Robert Stannard et l’avant-garde du peloton, puis il en a remis une couche le dernier jour avec l’arrivée à St.Colomban-des-Villards sur les flancs du col du Glandon (11 km de montée à 6%). Un réel exploit alors que le col de l’iseran (2'764 m) a dû être rayé du programme à cause de la chaussée verglacée dans la descente et que le départ a été déplacé de Val-d’Isère à Bessans, sur l’autre versant. Gino Mäder s’est dégagé seul dans la descente du difficile col de Chaussy (1’533 m) et s’est lancé dans un véritable raid solitaire Repris à cinq kilomètre de l’arrivée par l’Irlandais Dunbar, le Français Champoussin, le Russe Vlassov, son adversaire direct pour le podium, Sosa et le leader Pogacar, il a encore eu les ressources suffisantes pour les battre au sprint et signer une deuxième victoire en 48 heures grâce à la photo-finish.

Gino Mäder s’était révélé comme junior sur le Tour du Pays de Vaud lors des deux éditions remportées par le grand espoir Adrien Costa, lequel a été récemment victime d’un grave accident d’escalade en Californie (sa jambe droite, écrasée par un bloc de rocher, a dû être amputée). Alors que le double lauréat du TPV lutte désormais pour son futur, l’avenir en revanche s’annonce très encourageant pour Gino Mäder. En 2014 (9ème), promu leader après l’arrivée de la 1ère étape à Romanel, il avait été détrôné vers les Diablerets où Costa s’était imposé en ligne le matin et contre la montre l’après-midi. En 2015 (2ème), il avait gagné le prologue, à Lucens, et la 1ère étape Onnens-Tartegnin avec l’ascension de la difficile côte du Bugnaux. Mais il avait dû céder son maillot jaune à Costa à Champéry où le futur vainqueur avait de nouveau fait coup double. Deuxième du chrono l’après-midi, Mäder avait toutefois consolidé sa place de dauphin.

Derrière Stefan Küng (25 ans), Tom Bohli (24), Silvan Dillier (28) et Sébastien Reichenbach (29), le talentueux Bernois, avec ses qualités de coureur très complet, s’annonce désormais comme l’un des chefs de file de la nouvelle génération du cyclisme suisse. Après le retrait de Pascal Richard et Fabian Cancellara, celui-ci doit se reconstruire. Outre Mäder, il peut compter sur Patrick Müller (22 ans), Marc Hirschi (20), Stefan Bissegger (20) et quelques autres, dont les Romands Valère Thiébaud (19) et Robin Froidevaux (19), sans oublier le junior Alexandre Balmer (18). Hélas la disparition de l’équipe professionnelle IAM Cycling (heureusement qu’il subsiste la formation M23) et de BMC Development hypothèque l’avenir de beaucoup de nos espoirs.

Gageons qu’avec désormais sa belle carte de visite, Gino Mäder n’aura pas trop de difficultés à envisager son avenir sur le vélo. On ne peut que s’en réjouir.

Classement final Tour de l’Avenir 2018

1. Tadej Pogacar (Slo)

2. Thymen Arensman (Hol) à 1’28

3. Gino MÄDER (SUI) à 1’35 4.

Aleksandr Vlassov (Rus) à 1’36

5. Clément Champoussin (Fr) à 1’56

6. Ivan Sosa (Col) à 2’16)

Puis les autres Suisses :

19. Gordian Banzer à 8’52

24. Marc Hirschi à 12’49

90. Dimitri Bussard à 50’02

113. Antoine Debons à 1h12

abandon : Joab Schneiter (7è étape)

Classement par équipes : 1. Colombie

2. SUISSE à 8’11

Bertrand Duboux, 27.8.2018