LA CHRONIQUE DE BERTRAND DUBOUX

    

Cancellara, enfin ?

Il a connu tous les honneurs, sauf celui d’être sacré champion du monde sur route chez les professionnels. C’est son rêve depuis son avènement chez les juniors en 1998, à Valkenburg (chrono). Cette année-là, c’est Oscar Camenzind, le Schwytzois survitaminé (il sera ultérieurement rattrapé par la patrouille et avouera son dopage à l’EPO) qui avait obtenu ce titre envié qui trotte dans la tête de Fabian Cancellara. C’est la consécration qui lui manque (avec le record du monde de l’heure, auquel il pourrait s’attaquer ces prochains mois) pour couronner un palmarès déjà exceptionnel.

 

A ce jour, Fabian a tout gagné, ou presque, dans son registre (trois fois Paris-Roubaix et le Tour des Flandres, Milan-San Remo, Tour de Suisse, Tirreno-Adriatico, plusieurs prologues et étapes du Tour de France et de la Vuelta, sans compter les jours en maillot jaune, etc). Il a été aussi quatre fois champion du monde du contre la montre et champion olympique de la discipline. Mais jamais encore champion du monde en ligne, et cela lui manque !

 

Ce titre, Fabian le veut. Il le sent à sa portée et il a raison. On y a crû très fort aux JO de Pékin, en 2008, après un retour spectaculaire de l’arrière qui l’avait laissé sur les talons de Samuel Sanchez et Davide Rebellin, dont il a reçu la médaille d’argent plus tard par la poste après la disqualification de l’Italien pour dopage. Il s’en est fallu de peu, comme en 2009 à Mendrisio (5ème). Ce jour-là, porté par le public suisse, il avait fait planer le suspense dans le final avant d’être débordé par Cadel Evans.

 

Après l’échec de Geelong en 2010 (14ème), il avait retrouvé une belle opportunité l’année suivante à Valkenburg, mais il n’avait pu s’opposer sur le Cauberg au rush impressionnant de Philippe Gilbert  (4ème). Caramba, encore raté ! En 2012, aux JO de Londres, c’est une bourde de cadet (chute en se retournant en plein virage alors qu’il avait attaqué à 7 km de l’arrivée) qui avait anéanti ses espoirs. Ils étaient grands et légitimes et la médaille d’or lui tendait les bras. Enfin l’an passé, vaincu par la pluie et le froid, il s’était effacé à Vérone devant Rui Costa et Joaquim Rodriguez (10ème). Une constance ces dernières années qui en dit long toutefois sur ses ambitions et sa détermination à aller chercher ce maillot arc-en-ciel qui manque à sa collection.

 

Qu’en sera-t-il à Ponferrada ? Le parcours est fait pour les puncheurs de son espèce. Mais aussi pour les Gerrans, Sagan, Samuel Sanchez, Boasson-Hagen, Krysztof dit-on, voire Chavannel (en belle forme en cette fin de saison). A 33 ans, le temps presse pour Fabian et les saisons lui sont comptées. Pour préparer cette échéance qui lui tient tant à cœur, il a quitté le Tour de France avant la fin, comme la Vuelta récemment pour récupérer et il est « mûr » désormais pour un nouveal exploit à grand retentissement.

 

Mais Cancellara n’est pas seul sur la liste des favoris. La difficulté pour lui viendra du fait qu’il n’aura que deux équipiers à sa disposition ! La conséquence déplorable du règlement UCI car la Suisse par ses coureurs n’a pas suffisamment comptabilisé de points dans les épreuves du World Tour et de l’Europa Tour. Il va donc lui falloir battre le rappel de ses amis au sein du peloton pour pouvoir compter sur quelques alliés de circonstances. C’est de bonne guerre. Ou alors éviter de se faire pièger par une échappée éventuelle et surgir au bon moment. Un sacré pari pour Spartacus qui ne mène pas la révolte contre Rome cette fois mais espère plutôt conquérir l’Olympe. Il le mériterait tellement.

 

                                                                                              Bertrand Duboux